Que se passe-t-il lorsqu’on part de “ Watergate ” pour arriver à “ Penelopegate ” ?
On a opéré une troncation, une ablation, ce qu’on pourrait appeler une aphérèse, en supprimant le début du mot “Watergate ” pour y adjoindre le mot Penelope (pauvre Madame Fillon !). Heureusement que le célèbre hôtel de Washington où les Républicains ont espionné la Convention démocrate en 1968 ne s’appelait pas “ L’Hôtel des trois faisans ” ou “ Chez Gégène ” car je ne sais ce que, linguistiquement, on aurait pu en sortir. Ce qui n’a pas empêché l’ambassade de Lybie d’y installer son siège.
Quand les médias – et les politiques à leur traîne – ont chopé un tic qui leur plait bien, ils ne le lâchent plus. Pour la petite histoire, le Watergate a été construit par une société immobilière italienne. Son nom tient au fait qu’il est situé près d’une écluse (gate = grille). “ Watergate ” signifie “ écluse ” ou “ vanne ”. L'hôtel de la vanne. Bof !
Dès qu’un nouveau problème – y compris franco-français – se signale à l’attention des médias, on le réduit en un seul mot et on y ajoute “ gate ”. C’est de la pédagogie (mot qu’affectionnent les médias et les politiques pour ne pas dire propagande) à deux balles pour neuneux. On francise légèrement en prononçant « guette » au lieu de « gueïte » et le tour est joué.
Des « gates », il y en a eu un paquet depuis 1968 :
Nous eûmes l’Angolagate lorsque des proches de Charles Pasqua vendirent des armes au président de l’Angola,
Le chevalgate concernant une fraude à la viande de cheval, notamment dans les lasagnes Findus,
Le Dieselgate, un programme informatique permettant aux constructeurs automobiles allemands de faire baisser la pollution de leurs véhicules lors des essais d’homologation,
Le DSKgate dont on parle peut-être encore au Sofitel de New York,
L’Irangate, sur l’affaire de ventes d’armes iraniennes à l’Iran,
Le Qatargate qui fit trembler la Fédération Internationale de Football,
Le Monicagate, dont une jupe et des cigares se souviennent encore,
Le Nipplegate qui nous fit découvrir un des illustres tétons de Janet Jackson,
Le Pizzagate, dans lequel Jeffrey Epstein gérait un réseau de pédophilie à Washington
Le Homardgate, plutôt médiocre, d’un Rugy qui, paraît-il, n’aime pas ces crustacés.
L’important est qu’à chaque fois le bon mot (« la fiente de l’esprit qui vole », disait Victor Hugo) fait sourire à propos de quelque chose qui peut être scandaleusement important ou banalement insignifiant. Plus de hiérarchie, tout se vaut. On hume des effluves de scandale et on en reste là.