Pour simplifier, je dirai qu’il y a deux sortes de sport de compétition : là où il y a de l’argent, et là où il n’y en a pas. Dans la première catégorie, où l’on a atteint des sommets depuis une trentaine d’années, ce n’est pas l’argent qui corrompt le sport, c’est la compétition qui détermine les pratiques commerciales et financières. Il n’en a pas toujours été ainsi : dans les années soixante, les enfants d’un gardien de but de la première division du championnat de France de football qui fréquentaient une école dirigée par ma mère étaient boursiers.
Dans la natation, il n’y a pas ou très peu d’argent. Intrinsèquement, les performances réalisées par les compétiteurs sont inférieures, égales ou supérieures à celles où l’argent coule à flot. L'argent ne stimule ni ne freine. On remarque par parenthèse que, dans les sports sobres, les comportements sont sobres. On n’a jamais vu le vainqueur d’une épreuve de natation bondir hors de l’eau, faire trois fois le tour du bassin en courant et se lancer dans une danse du ventre frénétique. Les plus grands nageurs, du style Manaudou ou Bernard, ont introduit une pratique qui n’a pas été reprise par des nageurs plus jeunes consistant à donner un grand coup de poing dans l’eau après une victoire.
Cette retenue n’empêche pas des accès de folie. J’en donne deux exemples dont j’ai été témoin. Lors des récents championnats de France junior de Dunkerque, ma fille Rébecca termine troisième dans une épreuve. Dans une finale, la plus mauvaise place est la quatrième, au pied du podium avec la médaille en chocolat. Rébecca devance la quatrième de 9 centièmes de seconde. En gros, une main. Lorsque les nageuses sortent du bassin, la quatrième bouscule méchamment Rébecca qui, bonne pâte (extrêmement surprise car cela ne lui était jamais arrivé), ne réagit pas. On comprend la déception de l'irascible d’autant que les quatre premières nageuses de cette finale devançaient nettement les suivantes. Il y avait donc trois médailles pour quatre compétitrices qui se valaient peu ou prou.
Lors d’un récent championnat de France, j’ai assisté à un débordement plus violent encore. Une des quatre ou cinq meilleures nageuses de France est disqualifiée sans conteste pour une lourde erreur technique. Cette championne d’expérience sait parfaitement ce qu’elle a fait. La disqualification prononcée, elle bondit hors de l’eau et se dirige vers un groupe de juges. Hors d’elle, elle bouscule, sans même s’en rendre compte, un officiel âgé et très enveloppé (les anciens nageurs peuvent être très dodus) qui tombe par terre. La championne n’en reste pas là et invective les juges en leur disant à voix très haute que cette disqualification la barre pour les prochains championnats d’Europe, ce qui privera vraisemblablement la France d’une médaille. Á cet acte de folie, le jury répond par un autre acte de folie : il requalifie l’impétueuse.
E la nave va…
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