mardi 24 septembre 2013

Le Thatchérisme : une réponse au déclin du Royaume-Uni ? (7)


Edward Heath en appelle au peuple. Le parti travailliste remporte les élections législatives. Face à une forte inflation (qui n’est pas forcément un fardeau pour le peuple quoique dise le discours dominant car l’argent fort est bon pour ceux qui ont de l’argent) et à un déficit substantiel de la balance des paiements (ce qui est rare dans l’histoire du pays), Harold Wilson ne serre pas la ceinture de ses compatriotes mais relance la consommation. Il évite ainsi la récession, donc l’aggravation du chômage mais l’inflation repart de plus belle (30% en 1975) Le déficit de la balance des paiements se creuse. En 1976, le pays fait appel au FMI (elle est le premier des pays riches à le faire) qui lui prête trois milliards de dollars en contrepartie d’un programme d’austérité rigoureux. La réduction des dépenses publiques, l’encadrement du crédit exigés par le FMI font grimper le chômage, donc le mécontentement social, ce qui expliquera la défaite des travaillistes en 1979. Cela dit, les résultats ne se font pas attendre. Les réserves monétaires se reconstituent, la dette extérieure se réduit, la livre sterling retrouve de la vigueur. Le déficit, qui avait atteint 9,5% du PIB en 1975, retombe à 5%. Enfin, un programme de modernisation des entreprises, avec aide “ sélective ” de l’État, est mis sur pied. Le commerce extérieur redevient compétitif, mais il faudra attendre 1979 pour que la production industrielle rattrape celle de 1973. Comparé à lui-même, le pays va mieux. Comparée à celles des autres grandes puissances, sa situation se dégrade. En 1960, le produit intérieur brut (PIB) par habitant des Britanniques était supérieur de 5% à celui des Français. En 1978, il était devenu inférieur de 37%.

Lorsque Margaret Thatcher remporte les législatives de 1979,avec 43,9% des suffrages, le pays est dans une situation économique meilleure que celle qu’avait trouvée Harold Wilson en 1974 après la défaite électorale d’Edward Heath. L’inflation est retombée à 8,5% en 1978. Le nombre de chômeurs s’est stabilisé à 1 200 000. Le succès des conservateurs ne s’explique donc pas uniquement par des raisons économiques.


Après l’échec d’Edward Heath, la droite avait pris le pouvoir à l’intérieur du parti conservateur sur des bases idéologiques radicalement nouvelles. Constatant que les classes, ainsi qu’une bonne partie de la classe ouvrière, étaient lasses de la bureaucratie, des nationalisations, de la pression fiscale, de la présence importante des gens de couleurs sur le sol de l’île, Margaret Thatcher et ses meilleurs soutiens (Geoffrey Howe, le baron Sir Keith Joseph, eugéniste, obsédé par les tendances « collectivistes » du keynesianisme) proposèrent un discours qui rompait avec un consensus vieux de vingt-cinq ans. Et puis une posture de fermeté : « Je ne fais pas demi-tour », disait Margaret Thatcher (« The lady is not for turning »). Usant de formules simples, de slogans simplistes, ils se mirent à prôner un retour aux valeurs de l’individualisme, à l’inégalité entre les individus, à la responsabilité du citoyen qui ne doit plus être protégé (« assisté ») par l’État mais qui doit se prendre en charge lui-même. Sir Keith Joseph, l’éminence grise de Margaret Thatcher, pouvait asséner tout et n’importe quoi, il pouvait être surnommé « le moine fou », la sauce prit, à rebours de la société de tolérance des années soixante (abolition de la peine de mort, légalisation de la contraception et de l’avortement).

Dans le domaine économique, les nouveaux conservateurs proposèrent une politique monétariste stricte. Ils allèrent chercher la lumière du côté de Friedrich von Hayek (socialiste fabien dans sa jeunesse puis fondateur de la Société du Mont-Pèlerin à l’âge mûr) pour qui il fallait réduire le crédit et favoriser l’épargne pour réduire l’écart entre les investissements et leur financement. Milton Friedman fut aussi un oracle écouté, avec cette idée que le taux de chômage est naturel et que les politiques de relance ne peuvent provoquer que de l’inflation. Le professeur de l’université de Chicago, conseiller de Pinochet, ne cachait pas son mépris pour l’homme ordinaire : « L'histoire est sans appel : il n'y a à ce jour aucun moyen […] pour améliorer la situation de l'homme de la rue qui arrive à la cheville des activités productives libérées par un système de libre entreprise ».

Bref, le nouveau credo était que l'État devait se désengager du domaine économique.





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