mardi 17 décembre 2013

Pour l’Europe, la sécurité sociale française est illégale !

Ambroise Croizat peut se retourner dans sa tombe : la classe dirigeante française et ses relais politiques (UMP, Solfériniens) vont, grâce au droit européen, introduire  la santé dans la sphère marchande. C’en sera fini du dernier bastion de solidarité dans notre pays, et partout ailleurs en Europe.

La sécurité sociale française fut fille des combats de la Résistance au nazisme. Elle fut imposée à un patronat largement collaborationniste juste après la Deuxième Guerre mondiale. Les petits-enfants des patrons de 1945 – banquiers et assureurs au premier chef – vont enfin pouvoir développer un véritable marché de la santé.

Pour ce faire, un travail de sape est mené depuis plusieurs années dans les relais médiatiques et idéologiques de la classe dominante. En culpabilisant – pardon : en « responsabilisant » les usagers, il s’agit de les convaincre qu’ils se soignent trop (alors que la classe dirigeante crée des conditions de vie et de travail sources de maladies de plus en plus nombreuses et graves), ce qui débouche sur un « déficit » abyssal dans les comptes de la Nation. Ce déficit n’est rien  d’autre qu’une construction idéologique, avant même d’être une manipulation économique et financière. « Boucher le trou de la Sécu » (qui n’existe pas) fait oublier la philosophie des fondateurs du système selon laquelle « chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins ». Toute une série de mesures prétendument techniques ont contribué à miner ce beau principe : ticket modérateur, franchises médicales, autorisation des dépassements d’honoraires, « déremboursement » des médicaments, hausse régulière du forfait hospitalier, forfait sur les transports sanitaires.




Concrètement, on a bien vu ces dernières années que cela avait conduit une partie toujours plus importante de la population à ne plus se soigner de manière satisfaisante. On connaît tous des hommes qui hésitent à se faire soigner les dents ou des femmes qui sautent une mammographie sur deux. Les dégâts humains induits par cet état de fait seront payés un jour ou l’autre au centuple. Créée en 1999 par un gouvernement de « gauche », la CMU (couverture médicale universelle) ne fait que légitimer, selon un principe plus en rapport avec la charité qu’avec l’esprit universel de la sécurité sociale, le recul de l’accès aux soins pour les indigents. Accessoirement, elle divise la population dans ou au bord de la misère.

La vérité est toujours dans les mots. Utiliser le terme « déficit » lorsque l’on évoque des « trous à boucher » place la Sécu au niveau d’une entreprise privée censée réaliser des gains. Il ne faut jamais oublier qu’un salarié moyen dépense environ 20% de son salaire en cotisation-santé et que les revenus du capital sont bien moins soumis à cotisations que les revenus du travail. Philippe Seguin, homme de droite mais intellectuellement plutôt honnête, reconnaissait que si les « stock-options » étaient mises à contribution comme les salaires, elles auraient rapporté 3,5 milliards d’euros à la Sécurité sociale. Or, d’un côté, les comptes de la Sécu sont supportés pour l’essentiel par les salariés tandis qu’en un quart de siècle 10% du PIB est passé du travail au capital, des salaires vers les dividendes.

La sécurité sociale manque de recettes. À cause des exonérations de cotisations sociales faites aux grandes entreprises pour qu’elles « créent des emplois ». Aux milliards d’euros d’une dette patronale impayée depuis des années. A la dette de l’État (également des milliards d’euros). Aux salaires érodés depuis une trentaine d’années. Au chômage, 30 fois plus élevé aujourd’hui que lors de la création du système. Les “ déremboursements ” de 3 médicaments (ou de 300) sont de la poudre aux yeux et n’assainiront pas un ensemble désormais totalement vicié. Alors comme le monstre d’État est fichu, autant passer au privé. Plus moderne, plus flexible, plus réactif, avec des solutions « rien que pour vous ».

Dans la plus grande discrétion et sans que les médias s’emparent de ce cheval de bataille, l’Union européenne vient d’accorder à ceux qui le souhaitent le droit de ne plus cotiser. Ratifié par une majorité de Français en 1992, le traité de Maastricht offrait le cadre à l’abrogation du monopole de la sécurité sociale. Cependant, en 1996, la Cour de cassation, organe judiciaire suprême au niveau national, s’opposa à l’application de la primauté du droit communautaire sur le droit national en termes de protection sociale. La Cour européenne avait répondu en 1999 par un arrêt condamnant la France « pour avoir manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des directives de 1992 », et par celui du 25 mai 2000 définissant les régimes français de Sécurité sociale comme des régimes professionnels, donc soumis à concurrence. En 2005, une directive européenne portant sur les pratiques commerciales a été transposée dans le droit français sous le nom de loi Chatel II, faisant du droit communautaire un droit français à part entière.


L’arrêt du 3 octobre 2013 de la Cour de justice de l’Union européenne a condamné – au nom de la directive de 2005 – une caisse d’assurance-maladie du régime allemand de sécurité sociale pour « pratiques commerciales déloyales vis-à-vis des consommateurs ». Un nouvel épisode du principe de « concurrence libre et non-faussée » inscrit dans le traité de Lisbonne, ratifié en 2007 par le Congrès français contre l’avis du peuple exprimé par référendum le 29 mai 2005. Cette caisse allemande était un organisme de droit public sans but lucratif. Ce jugement va faire jurisprudence car les décisions de la Cour européenne concernent par définition tous les États de l’Union.

Dans l’Union européenne, les caisses sociales pourvoyeuses d’assurances sont donc considérées comme des entreprises soumises à concurrence et relèvent du droit privé.

Dans un communiqué daté du 29 octobre 2013, la Direction de la Sécurité sociale prétend que l’arrêt du 3 octobre 2013 « ne change rien à l’obligation de cotiser auprès de la Sécurité sociale française ».

Ce jugement fragilise plus que jamais le statut de la Sécu. Le droit européen met en concurrence les individus, les salaires et les cotisations. Il s’inspire du modèle étasunien (l’Obama care ne trompe personne) du chacun pour soi qui laisse au moins un tiers de la population sans assistance.

Les banquiers d’aujourd’hui, les assureurs, les fonds de pension qui possèdent les cliniques (toutes dans une ville comme Toulouse) reprennent au Conseil National de la Résistance, donc au combat des résistants, ce que ceux-ci avaient arraché aux « 200 familles ». Le débat est cornélien : refuser cette évolution est illégal à moins de sortir de l’“ Europe ”.

Source : le M’PEP

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