lundi 10 octobre 2016

L’Islamisme est-il conquérant (I) ?


Au sens où il s'agit de transformer le système politique d'un pays en faisant de la Charia la seule source du droit, la réponse est oui.

Comme toutes les religions, celles du Livre en particulier, l'islam est prosélyte. Autrefois on a vu des papes en armure, des rois anglais massacrer pour raisons religieuses. Plus récemment, souvenons-nous d’Israël dans les années cinquante : un État laïque gouverné par des travaillistes. Aujourd’hui, un pays où la religion a le primat sur tout, régenté par des gens de droite et d’extrême droite qui colonisent illégalement des territoires occupés et exploitent les Palestiniens. Même le bouddhisme, une religion qui se veut une philosophie, se radicalise, comme en Birmanie où, en 2015, un Néo-zélandais a été condamné à deux ans et demi de prison avec travaux forcés pour avoir utilisé une image de Bouddha afin de faire de la publicité pour son bar. Inversement, en 1971 à Ispahan, lors de la célébration des 2 500 ans de la ville, on pouvait voir des jeunes filles en minijupes et des hommes brûler des Corans. Hé oui, cela a pu exister !

Certains diront : « Il ne faut pas stigmatiser, pensons au “vivre ensemble”, à l’intégration ». L’islamisme conquérant se fiche de l’intégration comme de sa première sourate. Il ne veut que se répandre et s’imposer au monde entier en utilisant des techniques, des tactiques multiples et variées qui s’étalonnent du massacre de masse au débat policé en passant, comme le font les militants d’extrême droite, par l’utilisation subtile du juridisme le plus scrupuleux en profitant – si l’on me permet cette métaphore un peu bancale – de la moindre faille dans le ventre mou de démocraties de plus en vides de sens.

Début septembre, j’avais publié ce texte sur le rouleau compresseur du religieux dans nos vies. Ce qui va suivre a été motivé par le harcèlement subi par Djemila Benhabib, cette très courageuse militante de la liberté d’expression qui avait cru pouvoir trouver la paix en se réfugiant au Canada. Algérienne, Djemila est la fille de parents de sensibilité communiste condamnés à mort en 1994 par le Front islamique du djihad armé. La famille se réfugia tout d’abord en France, à Saint-Denis, puis au Canada en 1997 où Djemila poursuivit de brillantes études. Elle collabora un temps à El Watan avant de devenir fonctionnaire du gouvernement fédéral.




Faut-il que la Belle Province soit tombée bien bas dans la soumission aux forces du communautarisme pour que Djemila Benhabib, Prix international de la Laïcité, se soit retrouvée assignée devant un tribunal par des musulmans obscurantistes faisant tout pour imposer leur loi aux tribunaux car elle avait dénoncé le fait que des petits musulmans du Québec aient été amenés à réciter des versets coraniques appelant à l’extermination des mécréants ?

Cette initiative du genre n’est pas la première en Occident. Souvenons-nous qu’avant d’avoir été exterminée dans ses locaux, l’équipe de Charlie Hebdoavait été poursuivie par la Mosquée de Paris et l'Union des organisations islamiques de France (très inspirée par les Frères musulmans dont elle a repris la devise : « Le Coran est notre Constitution ») à l’occasion des caricatures de Mahomet. Pour sa part, Djemila a été poursuivie par l'association Les Écoles musulmanes de Montréal pour avoir dénoncé, en 2010, les méthodes pédagogiques qu'elle avait subies, enfant, en Algérie : « J'ai dénoncé le fait qu'on fait réciter à des petits enfants des versets coraniques appelant à l'extermination des mécréants. A leur âge, on m'ordonnait de répéter des phrases entières réclamant la destruction des juifs et la lapidation des femmes adultères. Je me suis également insurgée contre le port du voile imposé à des fillettes de moins de 9 ans. L'école qui me poursuit est l'établissement islamique le plus important du Québec ».

Créées en 1985, les Écoles musulmanes du Québec ne se contentent pas d’enseigner le calcul et la lecture aux jeunes enfants. Elles accueillent les sessions du Conseil de la charia. Cet organisme vise à influencer toutes les institutions afin que le droit musulman soit pris en compte dans le droit québécois. Ce que dénonce et combat sans relâche Djemila Benhabib qui aurait eu le bonheur de voir passer la charte de la laïcité défendu par le Parti québécois en 2014 si celui-ci avait gagné les élections. Las ! C’est le Parti libéral de Philippe Couillard (sic), nullement opposé à l’islamisation d’espaces de plus en plus nombreux dans la société, qui l’emporta nettement.

Les militants islamistes ont récemment obtenu le renfort de l'Association canadienne des avocats musulmans qui explique que la kafala musulmane est reconnue en droit civil québécois. Il s'agit d'une procédure d'adoption qui interdit l'adoption plénière et empêche d'adopter au nom de la famille. Un enfant né hors mariage peut être recueilli par une famille adoptive mais n'aura pas les même droits sur l'héritage qu'un enfant légitime. Tandis que la Faculté de droit de l'université de Montréal donne des cours sur la Charia, le barreau québecois organise des formations pour aider les avocats à mieux comprendre les tenants et les aboutissants de cette même Charia dans les tribunaux du Québec.

On peut dire que le djihad juridique contemporain a commencé en Egypte dans les années 1990, avec le harcèlement des actrices de Youssef Chahine ou les attaques en justice du prix Nobel de littérature Naguib Mahfouz pour certains de ses romans. En 1994, l’écrivain, alors âgé de 83 ans, fut à deux doigts d’être assassiné chez lui par deux fanatiques islamistes. L’objectif du djihad juridique en Occident est aujourd'hui de faire passer la loi islamique avant la loi démocratique et régalienne des États. En cas de résistance, l’« islamophobie » sera brandie en signe de vertu outragée.

En 2012, le journaliste roumain Mihai Claudiu Cristea, surpris sur un marché aux puces par la vue d’une femme en niqab intégral, prend la dame en photo et rédige un article équilibré sur le problème. La dame et son mari – tout deux Tunisiens – portent plainte. Voici comment Claude Simard (professeur retraité et infatigable militant de la laïcité au Québec) raconte la suite juridique de cette affaire : « Un jugement de la Cour supérieure a condamné dernièrement à 7 000 dollars [150 000 dollars avaient été réclamés] en dommages le directeur du mensuel Les immigrants de la Capitale, Mihai Claudiu Cristea, pour avoir publié sans leur consentement une photographie d'une femme en niqab en compagnie de son mari au marché aux puces de Sainte-Foy. M. Cristea vient de se voir refuser l'autorisation de porter sa cause en appel. […] L'argumentation du juge de la Cour d'appel est d'une insondable vacuité. Il avance d'abord que son collègue de la Cour supérieure a suivi la démarche prescrite en la matière par la Cour suprême du Canada, et, pour le démontrer, il ne fait que recopier mot pour mot le jugement de son collègue sans ajouter aucun commentaire ni aucune justification. Le deuxième argument de l'honorable juge porte sur la question de l'identification des intimés sur la photo ; avec un aplomb déconcertant, il soutient que son collègue a fait preuve sur cette question d'une appréciation qui « appelle à la déférence ». On se demande bien comment on peut arriver à la conclusion qu'une femme en niqab, donc voilée de la tête au pied, peut être identifiée ! » [Selon le tribunal, elle pouvait l'être car la femme était accompagnée de son mari – barbu mais non voilé.] La conclusion de Simard coule de source : « Depuis l'insertion en 1982 de la Charte des droits et libertés dans la constitution canadienne, les juges n'ont de cesse de favoriser les droits individuels au détriment des droits collectifs. Cet individualisme exacerbé les empêche de considérer la dimension sociale du droit ainsi que la symbolique culturelle liée à certains agissements dans l'espace public. Une musulmane intégriste n'a pas hésité à s'afficher en niqab dans un lieu public de son pays d'accueil, en l'occurrence un marché dans une ville de culture occidentale, où ce genre de vêtement n'est pas seulement étranger, mais est même vu comme un symbole d'un sexisme fondé sur des préceptes religieux rétrogrades. N'est-ce pas là de la provocation ? N'est-ce pas là le signe d'un refus d'intégration à la société d'accueil ? N'est-ce pas là du fanatisme ethno-religieux ? »

Quand il tenta un dialogue, Cristea entendit des prédicateurs recommander « les tapes correctrices » contre les épouses (après tout, dans l'Angleterre du XVIIIe siècle, les maris pouvaient corriger leur femme avec une badine à condition qu'elle ne fût pas plus épaisse qu'un doigt) et avertir les croyantes que serrer la main d'un homme équivaut à forniquer. Il se fit en outre expulser d'une salle de l'université Laval par les videurs de l'Association des étudiants musulmans pour des questions sur la polygamie. Condamné « pour atteinte à l'identité » d'une personne qui se voile intégralement, le laïque Cristea rentra en Roumanie. Le couple salafiste tunisien est toujours au Québec.

L’Islamisme est-il conquérant (I) ?
Interrogé sur la situation au Québec par Marianne (n° 2013), le juge Trévidic, qui exerça pendant neuf ans au pôle antiterrorisme, s’est montré particulièrement alarmant : « En 2004, j'ai suivi de très près ce qu'il s'est passé là-bas. La charia civile a failli passer, de justesse. Il y a eu tout un débat, et des hommes politiques, laïques, avaient des arguments pour justifier son acceptation, notamment dans le domaine des affaires familiales. On entendait des gens dire : “Comme les femmes ne viennent pas dans les tribunaux laïques, pour les procédures de divorce, la garde des enfants, ou en cas de violence conjugale, au moins avec l'instauration de ces tribunaux islamiques ce sera un moindre mal, elles iront, ce sera un minimum de protection.” C'était assez surprenant. Du moment que le reste de la population ne devait pas s'y soumettre, cela leur paraissait acceptable. Ils avaient aussi pensé à le faire pour certaines affaires commerciales. Ce n'est ni plus ni moins que la stratégie de certains groupes radicaux, qui estiment qu'ils sont solidaires du djihad mais ne vont pas prendre les armes, en préférant se consacrer à l'établissement de la charia sur certaines parties du territoire : c'était le cas de Charia For Belgium, Shar'ia For Britain et, en France, de Forsane Alizza. »

(Á suivre)

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