mercredi 19 septembre 2018

Du bon lait gratuit



Les articles de Paul Ariès sur la gratuité dans les services publics publiés récemment par Le Grand Soir m’ont remémoré, non pas des histoires d’eau, mais de lait gratuit. Des deux côtés de la Manche.

En France, dans les années cinquante, la majeure partie de la population croit encore dur comme fer aux vertus de l’alcool. Dans certaines familles normandes, on verse dans les biberons de lait une cuillerée à café de calva. Dans de nombreux foyers français, on donne un petit coup de rouge aux gosses en partance pour la communale. L’alcool combat les virus et les microbes. Donc un demi litre de vin, de bière ou de cidre par jour ne peut faire que du bien.

En 1954, Pierre Mendès France, Président du Conseil , conscient des ravages de l’alcool sur les enfants, se souvient que, de décembre 1937 à mars 1938, alors qu’il était député de l’Eure, il avait fait distribuer gratuitement à 1 000 enfants d’Evreux 1/3 de litre de lait par jour. Des médecins avaient été chargés de prendre les mensurations des enfants allaités et avaient constaté que le lait développait le corps des écoliers mieux que l’alcool. Mendès avait déposé un projet de loi afin de généraliser la distribution de lait dans tout le pays mais la guerre avait fait avorter cette belle idée.

Au pouvoir au milieu des années cinquante, Mendès fit distribuer du lait aux enfants de 4 à 8 ans pendant les hivers très rigoureux. Pierre Poujade, le mentor de Le Pen,  avait accueilli, au même moment, la décision de PMF de demander un verre de lait dans un repas officiel à Washington avec la finesse qui caractérise l’extrême droite : « Si vous aviez une goutte de sang gaulois dans les veines, vous n'auriez jamais osé, vous, représentant de notre France producteur mondial de vin et de champagne, vous faire servir un verre de lait dans une réception internationale ! C'est une gifle, monsieur Mendès, que tout Français a reçue ce jour-là, même s'il n'est pas un ivrogne. »

Avant même la fin de Deuxième Guerre mondiale, le Parlement britannique vote une loi très importante qui démocratise l’accès du plus grand nombre à un enseignement public gratuit. Un Act de 1946 prévoit que les écoles distribueront à tous les enfants jusqu’à l’âge de 18 ans un tiers de pinte lait par jour (30 cl environ). En 1968, le ministre travailliste de l’Education, Edward Short (qui mourra presque centenaire après avoir été anobli par la Reine), mettra un terme à cette mesure dans l’enseignement secondaire. En 1971, Margaret Thatcher, alors ministre conservatrice de l’Education, privera de lait les enfants de sept ans en se voyant affublée du surnom de « Thatcher la voleuse de lait » (Thatcher the Snatcher). Enfin, en 1977, la ministre travailliste Shirley Williams (future anoblie, elle aussi) privera de lait les enfants de moins de sept ans.

Les inégalités s’étant renforcées outre-Manche depuis des décennies, le pays compte d’énormes poches de pauvreté. Un cinquième de la population est touché, plus particulièrement au Pays de Galles. Des enfants tombent malades parce qu’il n’y pas de chauffage à la maison (en 2018, 140 000 foyers n’avaient plus d’électricité). Des familles de 5, 6, 7 personnes vivent dans des T2. Les prestations sociales ne cessant de baisser, de manière relative ou absolue, le pourcentage d’enfants pauvres est passé de 30 à 33% en 2018. Les parents de ces enfants doivent choisir entre payer le loyer et leur offrir une nourriture correcte.

Magic Breakfast est une œuvre de bienfaisance qui distribue actuellement plus de 20 000 petits déjeuners gratuits dans les écoles qui comptent au moins 35% d’élèves ayant droit à la gratuité du repas du midi. Dans certaines écoles du Pays de Galles ou d’Écosse, 60% des élèves bénéficient de cet apport matinal gratuit qui coûte à la collectivité moins de 15 euros par enfant et par an.

Les résultats ne se sont pas fait attendre : moins d’absences chez les enfants, plus d’attention en classe, donc de meilleurs résultats scolaires.


Du bon lait gratuit

1 commentaire:

  1. Je me souviens très bien de cette distribution de lait dans les écoles. A la fin des années 40 mes parents habitaient à Nice et j'étais scolarisé avec mon frère ainé à l'école maternelle du quartier.Nous avons bénéficié d'un verre de lait chaque matin en arrivant à l'école.La photo donne bien à voir l'ambiance, et correspond à mes souvenirs.
    J'ajoute que la route que nous empruntions mon frère et moi, coté trottoir bien sûr était celle empruntée par des camions amenant des arachides, du port me semble t il vers une huilerie. Il s'agissait de camions plateaux qui donc déversaient de la marchandises sur le bord de la route. Et nous les enfants étions très tentés d'en ramasser. Ce qui bien évidement était très dangereux. Les parents l'interdisaient bien sûr ..... Je me souviens que des "grands" en ramassaient et en donnaient aux "petits", dont j'étais.

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