vendredi 14 décembre 2018

Nommer De Gaulle


Je suis étonné de voir comment, dans les médias ou les réseaux sociaux, on nomme le fondateur de la Vème République : “ Charles De Gaulle ”, ou encore “ Charles de Gaulle ” (ce qui est absurde car la famille n'était pas noble). Nous qui l'avons aimé ou subi l'appelions De Gaulle ou le général De Gaulle ou le président de la République. Par moquerie, le grand Charles, Charlot. J'imagine, mais ne saurais jurer de rien, que cette dénomination d'aujourd'hui l'historicise.

Je suis également surpris de le voir bénéficier d'un réel crédit auprès de gens de gauche, au nom de l'indépendance nationale. Fortement influencé par les grands penseurs de droite et d'extrême droite du XIXème siècle, De Gaulle fut un vrai homme de droite. Il eut beau fanfaronner, en une seule occasion, en déclarant que la politique de la France ne se faisait pas à la corbeille, il nomma premier ministre un banquier ayant quitté la Fonction publique (tiens, tiens) qui succéda à un autre premier ministre férocement de droite. Son dernier premier ministre, Maurice Couve de Murville, avait été haut fonctionnaire de Vichy chargé d'avaliser tous les mouvements financiers franco-allemands tout en devant « réduire l'influence juive dans l'économie française ». Il considéra toujours les gaullistes autoproclamés de gauche comme de la roupie de sansonnet. Il envisagea le comte de Paris comme nouveau roi de France. En 1968, il tomba à droite. L'énorme défilé de mai ( j'y étais) était à 98% de gauche.

René Andrieu a fait remarquer à juste titre que de 1954 à 1958, puis de 1958 à 1962, la guerre d'Algérie a duré aussi longtemps sous De Gaulle que sous la IVe République. Les massacres de Sétif, qui firent 45 000 morts, se déroulèrent alors que De Gaulle était chef du gouvernement provisoire. En Indochine, les choix stratégiques et diplomatiques de De Gaulle empêchèrent un règlement pacifique, ce qui déboucha sur une guerre de trente ans. En particulier, De Gaulle avait confié les pleins pouvoirs civils et militaires, non à Leclerc, mais à l'amiral d'Argenlieu, colonialiste fanatique hostile à tout compromis avec Hô Chi Minh. Pour ce prêtre, religieux carme, le communisme devait être combattu “ pour des raisons aussi spirituelles que politiques ”. Lucide, Leclerc prévint : « De Gaulle va perdre l'Indochine comme il a perdu la Syrie. »

Il est indéniable que, sa vie durant, De Gaulle sut tenir tête aux Étasuniens, mais cela n'en fit jamais un homme de gauche.

J'ai visité Colombey il y a une quarantaine d'années. J'ai été frappé par le style des pièces qu'on nous donnait à voir : classe, simplicité et sobriété. Le contraire de Sarkozy ou Macron. Il ne s'est effectivement pas enrichi avec la politique. A l'Élysee, il y avait un compteur électrique pour son appartement.



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