Danièle Sallenave est une essayiste de renom qui a écrit de vrais grands livres, ce qui n’est pas forcément le cas de tous ses collègues de l’Académie française.
Elle a dirigé un groupe de travail de cette vénérable institution sur la féminisation des noms de métiers. Il était temps en effet que l’Académie tourne la page des années Druon/Dutourd, une époque où une ambassadrice était la femme d’un ambassadeur (la personne qui organisait les petits fours et l’eau gazeuse) et non une haute fonctionnaire représentant la France à l’étranger.
Ras le bol, en effet, des « Madame le Ministre », de « Madame le Sous-Préfet ». Au diable « c’est une écrivain » ou « la Professeur des Universités.
Je n’en ai pas été étonné, mais Danièle Sallenave a buté sur le féminin d’auteur. Sa préférence était la mienne : « Si je prends "auteur", "autrice" est parfait. "Acteur, actrice". "Présentateur, présentatrice". Cela ne pose aucun problème. "Auteure", c'est acceptable, c'est un peu bizarre du point de vue de l'évolution de la langue, mais ça finira par passer. Mais "autrice" était beaucoup plus logique. » Beaucoup plus logique, peut-être, si l’on se réfère à l’histoire de ce mot qui eut pour féminin “ auteresse ”, “ autoresse ” et même “ authoress ”, un anglicisme de Taine qui n’a pas survécu.
Si elle a hésité, c’est qu’elle n’a pas réalisé que, comme je l’ai dit cinquante fois – après d’autres, la langue est traversée, est travaillée par la lutte des classes, qui est elle-même dans la langue. Le féminin de la désinence “ eur ” sera donc “ naturellement ” en “ trice ” ou en “ esse ” pour les prolétaires (avec des exceptions : l'impératrice, la cantatrice – calque de l'italien), les travailleuses de base, les manuelles : factrice, fraiseuse, agricultrice, semeuse, serveuse, planteuse, sauteuse (en longueur).
Les femmes de pouvoir, matériel ou intellectuel, veulent le beurre et l’argent du beurre. Donc la féminisation des noms de métier et les testicules. D’où une auteure, une professeure, une chercheure (douée d’une tête chercheuse). D'où également la Garde des Sceaux qui a autorité sur les gardiennes de prison.
Pour terminer, un petit exemple de délire, que j'ai cité par ailleurs et qui concerne l'écriture inclusive qui a bien du mal à entrer dans les mœurs, même chez ses adepte-e-s les plus ardents-e-s. Dans l’annuaire d’un institut d’enseignement et de recherches parisien, j'ai lu ceci : « L’[…] compte près d’une centaine d’enseignan-t-e-s, intervenant-e-s professionnels et conférencier-e-s. » Bizarrement, " professionnels " ne porte que la marque du masculin (le problème est peut-être – ce texte ayant été rédigée par une femme –qu’une " professionnelle " pourrait faire penser à " prostituée " ) ; " intervenant " est un adjectif substantivé dont le féminin, depuis le début du XVIIe siècle, est " intervenante " ; " conférencier " a pour féminin " conférencière " depuis au moins le XIXe siècle ; " enseignant " est un adjectif et un nom dont le féminin est " enseignante " depuis le milieu du XVIIIe siècle.
Et, pour la route, deux exemples d'écriture militante, le premier de Maxime Vivas, le second de moi :
« Les électeurs (électrices) venu(e)s écouter les élu(e)s sont reparti(e)s contents (contentes) et nombre d’entre eux (elles) voteront pour les nouveaux (nouvelles) candidats (candidates) recommandé(e)s par les talentueux( talentueuses) orateurs (oratrices) toulousains (toulousaines) venus exalter la fraternité (sororité) des maires (mairesses) et des militant(e)s nationaux (nationales) ».
« Hier, je suis allé au zoo ; j’ai vu des lion-n-es, une tigre [tigresse est impossible à cause de " bougresse " ou "diablesse " ], une âne [pas d’ânesse pour la même raison], un girafe [renversons la problématique, comme on dit dans les médias], un ours et une ours avec ses ourson-n-es, une chameau [là , je suis tiraillé : une chameau " est insultant mais " une chamelle " fait penser à " femelle" , insulte possible] et une éléphanteau ».
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