dimanche 19 avril 2020

Parlons algorithmes


Ils sont désormais partout, dans le sport, dans l’Éducation nationale ou dans les hôpitaux. Des décisions sont prises en fonction de la combinaison de millions, de milliards de paramètres dont on ne sait pas grand-chose. Pour notre bonheur, bien sûr.

C’est peut-être dans le football que cela a commencé. Grâce ou à cause de Valeri Lobanovski, entraîneur du Dynamo de Kiev dans las années 70-80. Pour lui, le football était un grand système composé de deux systèmes comprenant 22 sous-systèmes, interagissant les uns avec les autres dans une aire de jeu. Lobanovsli eut pour héritier Arsène Wenger, entraîneur d’Arsenal. Surnommé « le professeur » dans le milieu footballistique, Wenger était obsédé par les statistiques. Il connaissait ses joueurs au millimètre près.
Sous le banquier éborgneur, tous les citoyens, les enfants y compris, sont en compétition les uns avec les autres. Il n'est donc pas étonnant que les évaluations mathématiques passent avant les évaluations humaines. Dans l’Éducation nationale, les algorithmes furent longtemps tenus secrets. Ainsi, en 2016, l’EN attendit que les vœux des élèves de Terminale sur la plateforme Admission PostBac fussent définitivement renseignés et classés par ordre de préférence pour publier l’algorithme qui allait décider de leur orientation future. Opacité et illégalité (tout citoyen a en droit accès à ce qui le concerne dans l’administration) régnèrent ainsi un bon moment au détriment des élèves. Le ministère finit par dévoiler une infographie expliquant le fonctionnement de l’algorithme et révélant les critères utilisés pour départager les candidats dans les filières dites « en tension » comme les stars, la psycho, ou la médecine.
Retenons bien l’expression « en tension » car on nous la ressert à toutes les sauces. Aujourd’hui, par exemple, on ne dit pas que la quantité de masques est notoirement insuffisante mais qu’elle est « en tension ». Dans les faits, la gestion par algorithmes a servi ces dernières années au banquier éborgneur et à sa bande pour masquer (sic) puis organiser la pénurie de manière incompréhensible pour les citoyens, et aussi pour mettre en place une sélection sociale qui n’a jamais dit son nom mais qui est de plus en plus efficace.
Á côté des résultats bruts aux examens, le ministère introduisit un paramètre en soi intéressant mais tout aussi arbitraire que les autres, celui de la valeur ajoutée des établissements, c’est-à-dire de la capacité à faire progresser les élèves. Un algorithme fait la différence entre le taux de réussite obtenu par un lycée une année donnée et celui que l'on pouvait attendre, compte tenu de l'origine sociale des élèves, de leur âge et de leurs résultats au diplôme national du brevet. Quand un bachelier provient d’un milieu social défavorisé ou qu’il a obtenu des notes un peu faibles au brevet des collèges, l’algorithme prend en compte le résultat qu’il aurait dû obtenir au bac et le résultat réel. Et si le résultat réel est supérieur au résultat attendu, cela signifie que le lycée a permis de faire progresser cet élève.
Tout cela est bien gentil mais ne prend pas réellement en compte les réalités du terrain.
Un exemple vécu. Le lycée que fréquentait ma fille nageuse avant de partir pour Font-Romeu est situé dans un quartier plutôt populaire de Lyon. Le proviseur et les enseignants, pénétrés de leur mission républicaine, n’hésitèrent pas ces dernières années à recruter des élèves à problèmes issus de milieux défavorisés. Très bonne élève, Rébecca avait une moyenne générale de 17,5/20 (qu'elle a gardée au lycée de Font-Romeu). Si elle était restée dans cette établissement en première et terminale, le risque était pour elle de voir ses notes baissées au bac dans la mesure où cet établissement avait la réputation – fondée, je n'en sais trop rien ? – de surnoter les élèves faibles. Dans les classements officiels, ce lycée est à la traîne, avec une note de 7,3/20. Comme il y a tout de même une justice, le lycée le plus bourgeois de Lyon qui pratique une vraie sélection sociale n’a que 12,3/20 alors que le lycée climatique de Font-Romeu que fréquente actuellement Rébecca est noté 14,3/20, ce qui est plutôt bien au niveau national.
Je signale pour la bonne bouche que le lycée La Providence, celui de Bri-Bri d’amour et du banquier éborgneur, a la plus mauvaise note des lycées privés d’Amiens. C'est bien beau de faire du théâtre...
Parlons algorithmes

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire