lundi 4 novembre 2013

Le « commissaire Montalbano », la culture et la jeunesse d’aujourd’hui

Autant les épisodes télévisés du Commissaire Montalbano m’ont barbé, autant j’ai apprécié les trois ou quatre romans que j’ai pu aborder dans leur version écrite. De toute façon, la télévision française publique nous offre cette série en français, ce qui est stupide, vu le travail aussi intéressant qu’incontournable de l’auteur sur la langue italienne et le dialecte sicilien.
Un article récent d’Andrea Camilleri dans la revue Radici m’en a appris un peu plus sur ce créateur si original de 88 ans. Un mot tout d’abord sur Radici  (Racines), une revue bilingue de très bonne facture qui se présente comme « l’Italie à Paris ». Elle s’adresse au premier chef aux Italiens et descendants d’Italiens vivant en France et, plus généralement, à tous les amoureux de l’Italie.
Camilleri vient d’y publier une réflexion très stimulante sur la politique culturelle de l’Italie, sur l’Europe et sur les jeunes face au capitalisme financier.


L’auteur part de la triste constatation que l’Italie consacre à la culture un budget dérisoire. Il reprend la remarque stupide et assassine de Giulio Tremonti, ministre de l’Économie en 2010, selon laquelle « avec la culture, on ne mange pas ». Bien sûr que si, lui répond Camilleri. En posant que la culture ce n’est pas seulement la littérature ou la peinture, mais que c’est aussi « le travail de l’ouvrier ou de l’employé ». Le « commissaire Montalbano » propose que « la culture, c’est nous ! Parce que nous sommes culture, parce que l’homme est culture ». Il faut être stupide, ajoute-t-il à l’adresse des gouvernants italiens, pour ne pas comprendre que quand « on dépense pour la culture, la culture restitue le triple de la dépense, car dépenser pour la culture signifie sauver Pompéi, ne pas la laisser tomber en ruines. »


Puis Camilleri évoque la réception de son œuvre en Allemagne, dans ses versions télévisée et livresque. Ayant vendu six millions d’exemplaires dans le pays de Madame Merkel, il a suscité chez les Tudesques un désir de Sicile absolument inouï. Son œuvre, affirme-t-il, est un fait culturel, mais aussi un fait économique. Il en va de même en Grande-Bretagne où une agence de voyages organise deux vols de charter par semaine à destination de la Sicile avec des personnes qui ont « vu » Montalbano (les mêmes que celles qui ont « vu » Roméo et Juliette à Vérone ?).

Alors Camilleri devient plus grave. Vu son âge, dit-il, il s’interdit de donner le moindre conseil à la jeunesse. Il lui fait simplement observer ceci :

« Une série de contingences économiques, sociales, financières et politiques sont entrain de tuer les jeunes d’aujourd’hui. Autrefois il y avait les guerres, les jeunes partaient et y laissaient leur peau, et trois générations de jeunes sautaient. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, mais il est un autre type d’homicide : celui de leur avenir. L’impossibilité de se réaliser à travers le travail est bien la chose la plus atroce qui puisse arriver à un jeune en Italie. La seule chose que je peux leur dire, avec beaucoup d’humilité, c’est que je ne crois pas à l’espoir Qui vit d’espoir meurt désespéré. Je crois aux propositions. Je crois que les jeunes doivent se mettre en tête des propositions pour agir, pour résister à toutes les circonstances, même les plus désespérées. Ils doivent se rendre compte qu’ils sont sur un radeau, mais qu’ils doivent absolument mener ce radeau jusqu’au rivage, sans jamais perdre, non pas la tendresse, mais le courage et la force qui leur appartiennent du fait de leur jeunesse. »

Andrea Camilleri : un vieil homme avec qui je partirais bien huit jour en vacances en camping…


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