lundi 18 novembre 2013

Sainte Taubira ?


La médiacratie fonctionne globalement de manière primaire et binaire : elle aime ou elle n’aime pas. Pour vendre, et surtout pour contrôler les esprits, elle impose des schémas simplistes, elle « crée l’événement », elle occulte ce qui importe vraiment et elle propose des objets de haine, d’exécration ou d’amour. Dans tous les cas, un clou chasse l’autre.

Les médias ont trouvé récemment en Christiane Taubira une icône à vendre. Depuis plusieurs semaines la gardienne des Sceaux fait l’objet d’une campagne venimeuse de la part de milieux racistes français qui l’attaquent uniquement sur sa couleur de peau. La valeur de Taubira n’est pas en cause, humainement parlant et en tant que ministre : chacun sait qu’elle est une personne brillante. La récente couverture immonde de Minute prouve qu'en matière de racisme les lions sont lâchés et qu’ils ne rentreront pas aussi facilement que cela dans la cage. On a d’ailleurs pu s’étonner de la lenteur de la réaction du sommet de l’État face à ce déferlement de haine. Hollande s’est préoccupé du sort de Leonarda beaucoup plus rapidement que de la défense de son ministre de la Justice.

Je ne partage pas toutes les analyses du linguiste bien connu Robert Chaudenson (son blog est ici). Mais, contrairement aux journalistes de base – et même d’un certain niveau – il a le grand mérite de ne pas s’en laisser compter, de ne pas se pâmer avec les agneaux et d’aboyer avec les loups, et surtout de creuser jusqu’à la moelle de l’information et de la connaissance. Le tout avec une vraie rigueur d’universitaire et une très grande culture générale.



Dans un article récent de son blog, Robert Chaudenson remarquait que des personnalités politiques françaises non caucasiennes (comme disent les Étasuniens) n’avaient jamais fait l’objet d’attaques racistes de la part de la France rance. Il citait en exemple la Guadeloupéenne George Pau-Langevin) ou encore Rachida Dati qui occupa le même poste que Taubira avec l’amateurisme et la désinvolture que l’on sait.

Chaudenson pense que si Taubira est devenue la cible privilégiée d’une certaine extrême droite, cela est dû d’abord à sa posture, à son allure, pour tout dire à sa coiffure toute en tresses, marque, selon lui de son hostilité pour la France européenne. Je pense que s’intéresser à ce type de détail n’élève pas le niveau du débat et ne mène nulle part. Que faire alors des jupes et robes ridicules de Marisol Touraine ? Là où Chaudenson marque peut-être un point, c’est lorsqu’il évoque la jeunesse politique indépendantiste très sulfureuse de Taubira et de son mari (dont elle est divorcée), aux limites du terrorisme. Le mari de Taubira passa 18 mois à la prison de la Santé pour son attentat manqué contre les installations pétrolières de Cayenne.


Ce qui me gêne chez Taubira, c'est son parcours politique relativement récent. Elle fut donc une indépendantiste très radicale du temps de sa jeunesse. Soit, il faut que jeunesse se passe. Plus récemment, les choses se sont corsées. En 1993, elle fonde un parti guyanais proche des socialistes. Puis elle vote l'investiture du gouvernement Balladur. Puis elle intègre le groupe parlementaire République et Liberté, présidé par Jean Royer, de la droite de droite. Puis elle figure en bonne position sur une liste européenne "tapiesque". Puis elle rallie le groupe socialiste et est apparentée (pas membre) PS. Puis elle rejoint les radicaux et elle se présente à l'élection présidentielle, non pas contre Jospin mais avec son accord (le benêt croit qu'il va ratisser large). En 2005, elle prend position pour le « Non » lors du référendum sur le Traité européen, contre le vote du parti radical dont elle est l’une des vice-présidentes. En 2007, elle est à deux doigts de faire partie des prises « de gauche » de Sarkozy.

Pour moi, les gens des médias et de la politique qui font de Taubira un parangon de vertu morale se mettent le doigt dans l'œil jusqu'au coude. Elle est au contraire l'un des plus beaux exemples d'opportunisme et de carriérisme à la française.

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