vendredi 24 janvier 2014

À Canal + comme ailleurs, la pensée tuée dans l'œuf



Jeudi 24 janvier, talk show  d’Ali Baddou et de ses comparses. Ils évoquent le projet d’une société néerlandaise d’envoyer sur Mars une vingtaine de volontaires pour un voyage sans retour. L’une des partantes possibles est présente sur le plateau. Sympathique. Dans un souci d’équilibre, un scientifique est présent, pour qui, dans l’état actuel des connaissances et des finances, ce voyage est impensable. Également sympathique, mais un peu péremptoire à mon goût. Je n’ai pas vraiment d’opinion, mais je pencherais plutôt du côté du scientifique.

La seule personne intéressante à ce moment précis sur le plateau est naturellement la voyageuse sans retour. Comme toujours autour de Baddou, tout le monde parle en même temps, tout le monde se coupe la parole, tout le monde lance des plaisanteries plus ou moins foireuses. Il faudrait prendre la peine de chronométrer le temps de parole des invités et celui de l’équipe du talk show, le maître des lieux au premier chef.


Dans le brouhaha et les gloussements, quelqu’un essaie de faire parler l’invité sur le problème vertigineux, métaphysique, du sans retour. Ça y est, me dis-je, on va s’instruire, on va entendre une parole originale, différente. La possible martienne a juste le temps d’avancer que ce n’est pas ce qu’elle va perdre qui l’intéresse, mais ce qu’elle va gagner. Je vibre. Moi qui ai 65 ans passés et les plus longues heures de vol derrière moi, mais peut-être pas les plus belles, ce problème m’intéresse au plus haut point. Dès que nous sommes sortis du ventre de notre mère, nous partons tous pour Mars, c’est-à-dire vers l’inconnu et la mort. Mais avant cela, vers quelque chose que nous allons construire.


Benêt que je suis : Baddou et sa bande coupent aussi sec la parole à la jeune femme et passent à d’autres gloussements.

Cela m’a rappelé le film de Pierre Carles Enfin pris ?, dont la thèse bourdieusienne était que la télévision ne peut non seulement pas critiquer la télévision, mais qu’elle ne peut pas vraiment donner à penser. Une scène du film montrait Bourdieu tentant en vain d’expliquer son analyse de la télévision dans l’émission Arrêt sur images, harcelé qu’il était par de fausses questions formatées. Comme 99% des émissions, celle de Baddou est construite pour empêcher l’analyse, mais surtout la possibilité de réflexions autres. Derrière les gloussements, la simplification à outrance, donc la démagogie.

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