mardi 14 janvier 2014

Connaissez-vous François Missen ?



Moi non plus. Enfin, je le connais depuis peu grâce à un ami du Grand Soir.

Missen est journaliste, l’un des plus grands journalistes français. Il est âgé de 79 ans. Il est donc normal que vous ne le connaissiez pas, en tout cas beaucoup moins bien que Barbier, Giesbert et tous les journalistes de salon qui courent après l’opinion publique en la façonnant.

Il est le seul journaliste au monde à avoir été couronné par le Pulitzer et le prix Albert-Londres. Pour ce qui est du Pulitzer (attribué pour ses enquêtes sur la “ French Connection ”), il a succédé à Woodward et Bernstein. Concernant le prix français, il le reçut à la même époque que Pomonti, Desjardin, Guillebaud. Quelques années avant Guetta (oui, je sais…).

Comme disait Jean Ferrat, il n’écrit pas et ne se rend pas sur le terrain pour passer le temps. En 2011, il s’est rendu à Guantánamo en vue de la publication d’un livre, un reportage à contre-courant. Il rappela que Guantánamo  était une ville de 220 000 habitants, et pas seulement une enclave étasunienne ultra-militarisée dans le territoire souverain de Cuba. Lorsque l’ouvrage parut, François Missen déplora le « vide médiatique sur le problème Guantanamo, qu’on a découvert après le 11 septembre, à travers la prison. Les Cubains disent : “ ça fait un siècle déjà qu’on crie dans le désert, qu’on a une base américaine juste en face, sur un territoire qui nous a été confisqué et personne ne nous a écoutés ”. »




En 2013, Missen publia Marseille Connection. Il expliquait comment la deuxième ville de France était devenu un marché de la drogue à ciel ouvert. Dans une interview à JOL, Missen faisait l’historique de la dérive marseillaise et du laxisme des autorités françaises : 

« Il y a eu, au début du XXe siècle, un trafic maritime destiné à l’Extrême-Orient. Beaucoup de ces marins ont découvert l’opium et se sont aperçus que ce produit pouvait intéresser les Américains. A Marseille, de «grands chimistes» ont intégré le trafic, pour transformer l'opium en morphine-base avec lequel on fait l’héroïne. Dans la tradition, l’histoire, Marseille a toujours représenté la capitale de la drogue. 

Les acheteurs potentiels se trouvaient aux États-Unis, parce que la diaspora, essentiellement corse, s'y était répandue. A partir de Marseille, les trafiquants ont noué des relations avec les personnes basées à New York, Miami et au Canada. A partir de là, une toile d’araignée s'est mise en place : le produit qui arrive d’Extrême-Orient, du Pakistan, d’Afghanistan et du Liban est transformé par les Marseillais, par ses « chimistes », puis est exporté aux États-Unis.


Pendant très longtemps, le trafic de la drogue fut quelque chose de folklorique. Lorsque j’étais jeune journaliste à Marseille au début des années 60, j’ai voulu faire une enquête sur la drogue. On m’a répondu : « on s’en fout, cela concerne les Américains mais pas nous ». Au-delà du laxisme, c’est un peu criminel de dire que ce n’est pas intéressant car cela ne concerne pas la consommation française. »

Et il s’y montrait très pessimiste quant à l’avenir de la cité phocéenne :

« Aujourd’hui, les trafiquants sont plus éparpillés, rendant plus difficile le démantèlement, car le commerce se reconstitue sans cesse. Cela tient aussi à la différence des produits. Aujourd’hui, le haschisch et la cocaïne circulent davantage que l'héroïne à l'époque. 

La politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy à Marseille a été totalement bidon. Si vous ne donnez pas des armes de substitution à cette politique sécuritaire, c’est-à-dire du travail et de l’éducation, cela ne sert à rien. Nicolas Sarkozy a laissé proliférer les banlieues pendant sept ans. »

François Missen est également l’auteur de :

  • La Nuit afghane, Le Pré aux Clercs, 1983
  • Cuba, Nathan Nature, 22 septembre 1999
  • Martinique, Nathan Nature, 26 septembre 2002
  • Le Réseau Carlyle : Banquier des guerres américaines*, Flammarion

​* Fonds d'investissement, machine de spéculation financière, Carlyle défend les intérêts du parti républicain et du complexe militaro-industriel. Ses capitaux propres sont évalués à 90 milliards de dollars (5 milliards en 1987).

Parmi ses conseillers : Frank Carlucci, ancien patron de la CIA, Paul Desmarais, milliardaire canadien et mentor de Sarkozy, Olivier Sarkozy (Monsieur frère), John Major, ancien Premier ministre britannique, Georges Soros (qui spécula tant et si bien contre la livre sterling qu'il failli la ramener au rang d'une monnaie de singe).

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