mercredi 8 janvier 2014

Étudier aux États-Unis : le rêve !

On a coutume de dire que si les enseignements primaire et secondaire aux États-Unis font pâle figure au sein des pays avancés, l’enseignement supérieur est l’un des meilleurs du monde. Cette assertion doit être fortement nuancée car le système universitaire du pays est extrêmement disparate et contrasté.

Il ne faut pas jamais oublier que l’enseignement supérieur étasunien profite à plein de l’exode des cerveaux (brain drain) en recevant par dizaine de milliers de très bons étudiants déjà formés par leurs pays d’origine. Par ailleurs, les universités étant gérées comme des entreprises et l’argent allant à l’argent, les meilleures entreprises disposent de revenus faramineux. Ainsi le capital de l’université Harvard est-il actuellement de 30 milliards de dollars (4 milliards de dollars de revenus, pour beaucoup placés sur les marchés financiers). L’université possède une des plus belles collections d’impressionnistes français (Renoir, Manet, Sisley). Tout cela pour une “ petite ” université : il y a moins d’étudiants à Harvard qu’à Poitiers. Le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche en France était de 23 milliards d’euros en 2013.

L’université aux États-Unis est payante. Il faut compter 6 000 dollars par an dans une petite université publique, 25 000 dollars dans une université privée moyenne. Le coût des études et des frais d’hébergement peut atteindre 50 000 dollars par an (200 000 dollars pour quatre ans). De nombreux étudiants perçoivent des bourses, en proportion de leurs résultats et non de leur origine sociale. Les enseignants ne sont pas fonctionnaires. Une proportion d’entre eux – qui ne cesse de diminuer – sont titulaires de leur poste (fixity of tenure). Les salaires varient d’une université à une autre. Des salaires de 30 000 dollars net par an pour les enseignants débutants sont fréquents ; en revanche, les salaires des professeurs sont nettement plus élevés que ceux des Français. 15 000 dollars par an est assez fréquent, même dans le public.




Plus d’un tiers des États-Uniens possèdent un diplôme d’études supérieures, mais les trois-quarts des États-Uniens les plus modestes n’ont guère progressé sur le chemin de l’obtention d’un diplôme. De par la discrimination positive (affirmative action), la proportion d’étudiants appartenant aux minorités ethniques a doublé depuis 30 ans.



L’enseignement supérieur étasunien est totalement décentralisé : pas d’examen national donnant un accès automatique à l’université, pas de diplômes nationaux. L’entrée dans tel ou tel établissement est au bon vouloir des universités. D’où une concurrence féroce pour attirer les meilleurs étudiants, et aussi ceux dont les parents sont les plus riches. Certains établissements rejettent 90% des candidatures.

Ces vingt dernières années, les frais d’écolage ont augmenté deux fois plus vite que le coût de la vie. Les familles peuvent solliciter des prêts cautionnés par le gouvernement fédéral qui, pour sa part, ne subventionne quasiment pas l’enseignement supérieur. De plus en plus pléthorique (comme en Europe), le personnel administratif est assez bien payé. Pour des raisons de prestige, les présidents d’universités font saliver leurs collègues français : 2 000 000 de dollars annuels n’ont rien d’exorbitant. Toujours pour des raisons de prestige, le sport joue un rôle considérable. Les faux étudiants qui sont champions olympiques ne saurait faire oublier une pratique sportive de masse au point que certaines universités comptent plus d’entraîneurs que d’enseignants. Les étudiants rétribuent en fait les joueurs de baseball à 1 million de dollars par an.

À l’heure actuelle, la dette estudiantine tourne autour de 1 000 milliards de dollars. Elle a doublé au cours de ces dix dernières années et dépasse le volume des achats par carte de crédit. La plupart des États se sont désengagés de l’enseignement supérieur. En 1990, l’État de Washington versait 14 000 dollars par étudiant, les étudiants ne payant que 3 000 dollars de frais de scolarité. Aujourd’hui, le rapport s’est inversé : 5 000 dollars de subventions, 11 000 dollars de frais. Obama a menacé de diminuer les subventions publiques pour les universités qui augmenteraient trop rapidement les droits d’inscription. Mais les universités n’ont guère tremblé. La proportion d’étudiants qui peinent à rembourser leurs emprunts (entre neuf et douze mois de retard) ne cesse d’augmenter depuis 2009. Par parenthèse, n’oublions pas qu’en France le coût des études a augmenté de 50% en 10 ans et a doublé – triplé dans certains établissements – outre-Manche. La Conférence des présidents d’université (CPU) a proposé un régime de prêts consistant à faire rembourser aux étudiants le coût de leur formation sous la forme d’une imposition ultérieure. Les spécialistes solfériniens de l’enseignement supérieur sont favorables à « un système de prêts à taux faible, accordés par un organisme public et remboursés à la fin des études à partir de l’obtention du premier emploi et en fonction du salaire ». À l’OCDE, l’idée d’une dérégulation mondiale des tarifs universitaires est devenue banale. Comment, dans ces conditions, imaginer des générations d’étudiants à venir, non pas rebelles, n’allons pas jusque là, mais critiques par rapport au système, alors qu’ils ont 50 000 dollars à rembourser avant de se lancer dans la vie ? Malignes, les banques ont fait voter par le Congrès une loi qui interdit aux étudiants de se déclarer en faillite.


Rédigé avec l’aide de La Révolution Prolétarienne.

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