vendredi 27 mars 2015

Sur une porte de poste de pilotage

La tragédie de l’Airbus nous hérisse le poil. C’est « incroyable », comme dirait Ali Baddou, qui ne connaît que cet adjectif quand il voudrait dire abracadabrant, absurde, ébouriffant, extraordinaire, faramineux, impensable, inouï, invraisemblable, phénoménal, renversant, sensationnel, stupéfiant.

Avant de vous narrer une histoire « incroyable » mais vraie, un petit prélude sur le mot anglais cockpit, qu’à dessein je n’ai pas choisi pour mon titre. Il date du XVIe siècle et signifiait tout bêtement une fosse pour les combats de coqs. La marine s’empara de ce mot au XVIIe siècle pour nommer des petits compartiments dans les navires, puis l’aviation, et enfin les automobiles vers 1930 (la F1 aujourd'hui). Que la langue anglaise est parfois imprécise !

Nous sommes dans les années 1980 en Côte d’Ivoire. La compagnie d’aviation nationale s’appelle Air Ivoire. Elle est parfaitement opérationnelle et n’a connu aucune catastrophe. Jamais un avion ivoirien ne s’est écrasé – pardon : « crashé » (hé oui, en français, il n’y a plus d’accident d’avions, que des « crashes ». Formés en France, les pilotes sont excellents ; le matériel subit les vérifications d’usage selon les normes européennes.


Un avion décolle d’Abidjan pour Man, à environ 600 kilomètres vers le nord-ouest du pays. La visibilité est parfaite, il n’y a pas de vent ni d’orage en vue. Le pilote décide d’aller faire un tour dans la cabine des passagers pour frimer. Cinq minutes plus tard, le copilote, qui ne veut pas être en reste, le rejoint. Et que je drague, et que je fais le beau … Soudain, la porte qui sépare la cabine de pilotage des passagers se referme. Vu les mesures de sécurité déjà en vigueur à l’époque, il est impossible de la rouvrir.

Tout le monde va donc mourir, de mort peu naturelle et lente : l’avion vole à environ 6 000 mètres d’altitude et les réservoirs sont pleins. Par miracle, un des passagers est un forestier qui travaille dans la région de Man et qui est monté à bord de l’avion – sans avoir été contrôlé – en compagnie d’une hache impressionnante. Il parvient non sans mal à dézinguer la porte blindée. Lorsque le pilote reprend les commandes de l’avion, celui-ci est largement en territoire libérien.

Je n’étais pas à bord.

Je ne sais si les deux olibrius, qui avaient confondu manche à balai et flamberge, furent sanctionnés.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire