jeudi 23 avril 2015

Marie-Claire Rouyer


Une figure éminente des Études britanniques vient de disparaître. Marie-Claire Rouyer est morte à 76 ans d’une « maladie grave et subite ».

Depuis hier, les hommages de la communauté des anglicistes n’ont pas manqué. Tous saluent la très forte personnalité d’une universitaire rigoureuse, généreuse, exigeante avec elle-même et ayant incarné au plus haut niveau le sens du service public, une qualité aujourd’hui, non seulement obsolète, mais préjudiciable.

Parce que je suis ici dans mon blog et non sur une liste électronique d’universitaires, je voudrais raconter une anecdote qui décontenancera peut-être certains au premier abord mais qui, pour finir, ne les surprendra pas.

J’ai fait la connaissance de Marie-Claire Rouyer dans la seconde moitié des années quatre-vingt. Elle m’avait invité à donner une conférence à l’université Bordeaux 3 dans un colloque organisé par le groupe de recherche qu’elle présidait avec Michel Jouve. À de nombreuses reprises, je me rendrai à ces réunions annuelles qui me permettront d’écrire quelques articles scientifiques dont je n’ai pas à rougir aujourd’hui.


Le soir de la première journée de nos travaux, Marie-Claire et ses collègues bordelais nous emmenèrent dans un très bon restaurant du vieux Bordeaux. Nourriture et vins excellents garantis.

Comme elle savait que je résidais en Afrique noire, elle me demanda si j’avais vu le film Black Mic Mac de Thomas Gilou, avec Jacques Villeret et Isaac de Bankoley. Cette demande me la rendit immédiatement sympathique. D’autres collègues se seraient poussés du col en s’inquiétant de savoir si je connaissais telle œuvre obscure d’un réalisateur gambien totalement inconnu. Non, Marie-Claire me questionna sur un film populaire, sûrement pas le plus drôle du XXe siècle, mais original et au comique de situation complètement inattendu.

Il se trouve que je l’avais vu. Et là, pendant dix bonnes minutes, on ne nous arrêta plus :

  • Tu te souviens quand Villeret dit …
  • Et le marabout perdu dans le métro, comme gag de répétition, c’était fort.
  • Et le coup du frigidaire …
  • Et le singe qui n’a pas ses papiers …

On en pleurait, près de rouler sous la table. Jamais je n’ai autant ri avec une femme. Elle me tua littéralement, lorsque, pour faire semblant de mettre un terme à notre fou rire, elle me gratifia d’un « Ah, mon cher vieux complice ! » On se connaissait depuis trois heures. C’était bien parti.
Marie-Claire Rouyer
Grande spécialiste et amatrice de théâtre, Marie-Claire Rouyer (à droite) incarna Sarah Bernhard dans la pièce de Bernard Da Costa Pat et Sarah.

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