vendredi 8 mai 2015

Le Royaume Uni et ses esclaves

Quoiqu’en ait la Le Pen, BFM TV n’est pas une chaîne gauchiste. Cela n’a pas empêché tout récemment les salariés d’Alain Weill et d’Albert de Monaco (pour 3%) de consacrer un long reportage à la précarité outre-Manche. Il faut dire qu’en cette matière, nombre des membres des rédactions de BFM-TV en connaissent un rayon.


Je retiendrai simplement deux exemples montrés dans le reportage. D’abord un chômeur – 35/40 ans mais en paraissant 50 – résidant dans une station chic de Cornouailles où la grande richesse côtoie la vraie pauvreté. L’homme n’a aucun espoir de retrouver du travail dans la région. Il perçoit 90 euros par semaine d’allocation chômage, pour une période de six mois. Après cela, plus rien. Au moins, il peut se consoler de vivre dans un petit paradis où le temps est clément et penser à Aznavour qui avait écrit, un peu vite, que « la misère serait moins pénible au soleil ».

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Le second était peut-être encore plus scandaleux puisqu’il concerne un travailleur qui travaille, un « assistant professor », disons un maître auxiliaire, exerçant dans une école primaire. À l’évidence, il s’agit d’un immigré de la première génération : il parle un anglais fluide, mais avec un accent espagnol assez prononcé. Il a dû accepter un contrat sans garantie d’heures ni de salaire. Comme 1,4 millions de salariés britanniques. Ce contrat, qui est principalement imposé aux jeunes et aux travailleurs d’un certain âge, ne se situe pas aux marges du système, il en est désormais l’une des modalités principales.

Cet assistant professor n’a donc aucune garantie d’heures de travail, ni de salaire. Il explique qu’il perçoit entre 600 et 1700 euros par mois. Il est « libre » de contracter une assurance-maladie privée ou de cotiser, également de manière privée, à une caisse de retraite. On se demande comment, d’autant que, résidant à une vingtaine de kilomètres de Londres, il loue une petite chambre dans une petite maison pour 500 euros par mois.

Est-ce parce qu’il se méfie des suites qui pourraient être données à son entretien avec BFM-TV, le fait est qu’il se dit plutôt content de son sort, qu’aujourd’hui il faut « mériter son emploi et son salaire ». En un mot, il a intériorisé sa condition de servage.

Pendant ses heures de loisir, il se branche sur internet à la recherche d’un emploi meilleur, d’un enfer un peu plus doux. Dans n’importe quelle branche. Avant d’enseigner, il faisait tout autre chose. On le retrouvera demain pompiste ou gardien de stade.

Dans les années soixante, quand il m’a été donné de fréquenter le système éducatif anglais, une telle situation, personnelle et générale, était inconcevable, relevait de l’impensé. Comment imaginer en effet, à l’époque, que des enseignants outre-Manche seraient moins bien traités que des fonctionnaires béninois ?

Et comment envisager que, un demi siècle plus tard, la Grande-Bretagne compterait 13 millions de personnes sous le seuil de la pauvreté (8 millions en France) ?

PS : Et si les travaillistes avaient gagné ?
— Euh, vous voulez répéter la question ?

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