jeudi 4 août 2016

Je trahirai demain


La place des femmes dans la Résistance française fut niée, occultée puis sous-estimée. Remercions l'Institut d'Histoire sociale du Gers qui, dans la livraison de sa dernière revue, a consacré un dossier à ces combattantes.

Ici un admirable poème (publié par l'Institut et que j'avais repris dans ce blog le 3 mai 2012) de Marianne Cohn, écrit quelques heures avant d'être assassinée. 

D’origine allemande, Marianne Cohn, membre des Éclaireurs israélites de France, sauva de nombreux enfants juifs en les plaçant ou les faisant passer en Suisse. La Gestapo l’arrêta en mai 1944. Elle fut longuement torturée.  Son corps fut jeté dans une fosse commune.

Elle avait 22 ans.




Je trahirai demain pas aujourd’hui.
Aujourd’hui, arrachez-moi les ongles,
Je ne trahirai pas.
Vous ne savez pas le bout de mon courage.
Moi je sais.
Vous êtes cinq mains dures avec des bagues.
Vous avez aux pieds des chaussures
Avec des clous.
Je trahirai demain, pas aujourd’hui,
Demain.
Il me faut la nuit pour me résoudre,
Il ne faut pas moins d’une nuit
Pour renier, pour abjurer, pour trahir.
Pour renier mes amis,
Pour abjurer le pain et le vin,
Pour trahir la vie,
Pour mourir.
Je trahirai demain, pas aujourd’hui.
La lime est sous le carreau,
La lime n’est pas pour le barreau,
La lime n’est pas pour le bourreau,
La lime est pour mon poignet.
Aujourd’hui je n’ai rien à dire,
Je trahirai demain.
Je trahirai demain

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