jeudi 4 août 2016

Souvenir de Mireille Mathieu


La scène se passe en 1969. J’ai 21 ans, Mireille 23. Elle est déjà une vedette internationale. Je me souviens de ses débuts quatre ans plus tôt dans l’émission du dimanche après-midi de Raymond Marcillac. Hésitante, tremblotante, elle nous avait assommés, au sens propre du terme, en réincarnant Edith Piaf.

J’exerçais à temps partiel comme réceptionniste dans un grand hôtel d’Amiens, où j’avais vu défiler Giscard et sa morgue, Pisani et sa classe, Desailly (l'acteur, pas le footballeur) et sa gentillesse, Feuillère et sa superbe, Servais et son alcoolisme, Macias et sa jovialité. Et aussi les patrons étasuniens de Goodyear qui venaient vérifier que l’usine d’Amiens tournait bien dans leur intérêt.

Mireille était attendue pour 16 heures. Son imprésario Johnny Stark lui avait réservé une chambre pour l’après-midi afin qu’elle se repose avant la représentation du soir. Ah, Johnny Stark ! La légende veut qu’il ait imposé le célibat à Mireille et qu’il lui ait dégoté de prétendus fiancés avant la sortie de chaque nouveau disque… Aujourd’hui encore, que sait-on de la vie privée de cette personne qui a peut-être choisi d’être privée de vie ? Selon un dernier ragot, elle se serait fiancée alors qu’elle vient d’avoir 70 ans.




Très professionnelle, Mireille déboule à l’heure dite dans le grand salon d’entrée de l’hôtel. Quatre ou cinq dirigeants de Goodyear occupent de profonds fauteuils. Je vais vers elle pour l’accueillir. Elle me tend la main et pousse un retentissant (on a dû l’entendre jusqu’à Avignon) : « Bonnjoureu, c’est Mireilleu ! » Sa petite main est vigoureuse et j’ai un peu de mal à extirper la mienne. Je lui donne la clé de sa chambre. Elle disparaît dans l’ascenseur.

Un des types de Goodyear m’appelle d’un signe de la main et me demande :

« Who’s that girl ? »

Je lui réponds :

« She’s not a girl, just an immensely popular singer ».

Quand on scrute le répertoire de Mireille Mathieu, on s’aperçoit qu’elle n’a pas enregistré que des chansons faciles.

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