jeudi 20 octobre 2016

Dans un tribunal de la Charia, à quarante minutes de train de Paris



Il vaut toujours mieux savoir de quoi on parle et à qui on a affaire. La France ne connaît pas de tribunaux islamiques. Pour l’instant et, en tout cas, pas de manière manifeste, à ciel ouvert. Ce qui n’est pas le cas du Royaume Uni qui en compte une centaine, reconnus officieusement d’utilité publique par les pouvoirs du même nom, comme je l’évoquai dans une note de blog précédente.

Je reprends ici un article de Guy Adams pour le Daily Mail qui nous emmène dans les arcanes d’un de ces Sharia Courts. J’ai choisi cet article parmi d’autres, en raison principalement des réactions des lecteurs, généralement bien à droite. Á commencer par le premier qui l’a commenté : « On les laisse faire. Ça nous épargne des emmerdes et on fait des économies ». Sans être toutes aussi brutes de décoffrage, les réactions vont dans le même sens et sont généralement défensives. Comme si au nom du “pragmatisme” bien connu d’Outre-Manche, il fallait faire avec ce qui est là parce que c’est là. Mais la tonalité de ces commentaires nous dit quelque chose de plus sérieux. La société britannique est maintenant constituée de deux groupes qui se regardent en chiens de faïence : pour simplifier les Blancs, les Brits de souche d'un côté, et les musulmans, d'origines africaine, asiatique etc., de l'autre. Ces deux groupes – qui ont remplacé les Them et Us de la société de classe des années cinquante – vivent dans des mondes différents. Á l’activisme du second, le premier n’oppose qu’un humour dérisoire de dérision.





Dans une pièce du tribunal, une jeune femme musulmane évoque avec un religieux d’âge mûr l’état précaire de son mariage avec un homme de 50 ans.

« Il m’a asservie tant qu’il a pu », dit-elle. « Il est violent, physiquement, et il me traite comme une chienne. »

Cette femme, qui semble n’avoir guère plus de 25 ans, décrit son époux comme quelqu’un de grossier, en paroles comme dans ses gestes, chaque fois qu’elle prend une petite initiative.

Quand son mari est là, il l’oblige à porter un foulard. Quand il est absent, ce qui est le cas le plus fréquent, il aime voyager en Tunisie où elle le soupçonne d’avoir épousé en secret plusieurs autres femmes. Pour ce qu’elle en sait, ajoute-t-elle, le chiffre se monte peut-être à dix. Retenant ses larmes, alors qu’elle en termine avec le récit de cette trahison, la femme jette un coup d’œil au religieux, qui a une longue barbe blanche et qui siège derrière un bureau surélevé devant une bibliothèque remplie de textes islamiques. Peut-être espère-t-elle un sourire de soutien qui lui confirmerait qu’elle n’est pas fautive. Peut-être recherche-t-elle la confirmation que cet homme va tenir compte du fait que son mari est misogyne et qu’il la bat.

Au lieu de cela, le religieux, dont le nom est Suhaib Hasan, éclate de rire. «Pourquoi avez-vous épousé un tel homme ? » demande-t-il en gloussant.

Plus loin dans le couloir, une autre femme musulmane vulnérable raconte  à un autre religieux d’un certain âge son mariage désastreux. Cette femme dans la trentaine dit avoir été contrainte par sa famille d’épouser à 19 ans un immigrant bangladais clandestin qui a ensuite obtenu la citoyenneté britannique en bonne et due forme. Ils ont deux enfants, mais leur union a sombré.

« On en est venu aux mains. Il m’a lancé des objets à la figure. Il m’a endetté », dit elle.

Le mari, à qui elle avait donné 38 000 livres quand ils étaient ensemble, est retourné au Bangla Desh où il s’est marié une deuxième fois. Cela fait quatre ans qu’elle ne l’a pas vu et elle demande en conséquence le divorce.

Mais le religieux refuse. Au lieu de cela, selon un témoin, il décide de lui expliquer « les raisons biologiques scientifiques de la polygamie ».

Pour finir, ce religieux, du nom de Maulana Abu Sayeed, fait un effort, selon le témoin, pour « persuader la femme d’accepter le mariage dans le cadre de la polygamie ».

Comme nous sommes au XXIe siècle, la femme n’est pas prête à jouer ce jeu. Elle quitte le tribunal fort mécontente.






Ailleurs, dans ce même bâtiment, se tient une troisième audience, présidée par un religieux beaucoup plus jeune, Furqan Mahmood. Devant lui, un couple de musulmans qui semble nerveux. Ils ont plusieurs enfants. Ils expliquent qu’ils craignent que leur mariage, célébré plusieurs années auparavant, puisse ne plus être valable. En cause, un aspect technique de la loi islamique : l’épouse a divorcé de son premier mari dans un tribunal britannique mais n’a pas réussi à obtenir le divorce religieux, le talâq. Le couple craint donc que cette infraction par inadvertance à la coutume islamique puisse signifier que, selon les textes, l'épouse vive en état d’adultère.

Le religieux se montre réellement très soucieux. « L’affaire va être difficile », dit Mahmood (vêtu d’une longue djellaba blanche) au couple. « Nous allons demander à nos érudits de vous apporter une réponse. »

Un moyen possible permettant à cette homme et cette femme de respecter la lettre de la loi islamique serait de se soumettre au Nikah Halala. Ils devraient d’abord divorcer, ce qui permettrait à un religieux de déclarer en toute légalité que la première union de la femme est terminée. Puis, avant de réépouser son second mari, la femme devrait se marier provisoirement avec un troisième homme. Il faudrait qu’elle ait des relations sexuelles (avec le troisième homme), puis qu’elle divorce et qu’elle attende le temps de trois cycles menstruels. Alors elle pourrait vivre de nouveau avec le père de ses enfants.

Cette procédure moyenâgeuse est apparemment tirée d’un passage du Coran qui stipule qu’il « n’est pas légal » pour une femme divorcée de coucher avec son ancien mari « jusqu’à ce qu’elle épouse un autre homme que lui ».

Il s’agit donc simplement d’une des étapes où Mahmood peut (ou non) leur recommander de s’engager.

Après le départ du couple, un homme qui a assisté à cette audience demande à Mahmood s’il y aurait des « conséquences » sérieuses dans le cas où le couple décidait d’agir contre ces derniers conseils.

« Quoi ? » répond-il. « Tu penses que nous allons les lapider à mort ou quelque chose dans le genre ? »

Cette répartie est naturellement à prendre comme une plaisanterie.

Cependant, ce n’est pas le cas d’autres situations étranges et profondément préoccupantes dont j’ai déjà eu à traiter. […]

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