mercredi 26 octobre 2016

Nadja Vallaud-Beljkacem et le Tour de France par deux enfants


Quand la ministre de l'Education nationale reçoit une leçon d'histoire, science qu'elle semble ne pas maîtrisée...
Á Sarkozy et ses Gaulois, Najat Vallaud-Belkacem a récemment répondu ceci :
« La ministre de l'Éducation que je suis connaît parfaitement les premières phrases de ce livre, Le Tour de France par deux enfants, d'Ernest Lavisse, sous la IIIe République, qui commence par : « Autrefois, notre pays s'appelait la Gaule et les habitants les Gaulois ». 

Bien imprécis et faux, tout cela.
Cette phrase n'est pas la première du Tour de la France par deux enfants, livre qui n’est pas d'E. Lavisse, mais de G. Bruno, pseudonyme – inspiré du philosophe dominicain Giordano Bruno – d'Augustine Fouillée (née Augustine Tuillerie, décidément !). Publié en 1877, inspiré par la pédagogie de Jean Macé, ce “livre de lecture courante” sera vendu à des millions d'exemplaires, réédité 500 fois jusqu'en 1950. Il commence par une évocation de la guerre de 1870 : « Par un épais brouillard du mois de septembre, deux enfants, deux frères, sortaient de la ville de Phalsbourg en Lorraine. Ils venaient de franchir la haute porte fortifiée qu'on appelle Porte de France. » Deux frères fuient l'occupation allemande par la Porte de France de Phalsbourg, à l'ouest, et non évidemment par la Porte d'Allemagne, au sud-est.

Ce manuel ne fut pas seulement utilisé « sous la IIIème république » mais aussi sous la IVème, voire sous la Vème dans certaines écoles. Ce livre ne manque pas de qualités mais il est essentiellement moral et se permet certaines propositions qui aujourd'hui ne passeraient plus, comme celle qui veut que l'humanité serait divisée en quatre races, la blanche étant la plus parfaite. Lors de la séparation de l'Église et de l'État, toute référence à Dieu sera supprimée, cette autocensure choquant jusqu'à Jean Jaurès. La Saint Barthélémy, la Révolution française et la Commune étaient absentes d'un ouvrage sous-titré “Devoir et Patrie”.
Cela dit, dans ses manuels de Cours moyen et Cours moyen et Certificat d’Etudes, Ernest Lavisse parlait du pays mais pas du peuple : « Il y a deux mille ans la France s’appelait la Gaule. La Gaule était habitée par une centaine de petits peuples »

La ministre explicite sa pensée en ces termes : « Oui, il y a parmi nos ancêtres des Gaulois, mais aussi des Normands, des Celtes, des Burgondes… Les Niçois nous ont rejoints, les Corses, les Franc-Comtois, la Guadeloupe, la Martinique et puis après aussi des Arabes, des Italiens, des Espagnols…C’est ça la France. » 
Elle commet ce faisant quelques imprécisions. Les Gaulois étaient des Celtes, comme le rappelait Jules César dans son De Bello Galico, Commentaires sur la Guerre des Gaules. Les Franc-Comtois étaient des Gaulois (Séquanes passés sous domination romaine après la mort de Vercingétorix). Les Celtes peuplaient l'Europe du sud de l'Espagne à la Roumanie.

Á l'époque de ce même Vercingétorix, la Gaule comptait 10 millions d'habitants (4 millions d'habitants 2 000 ans plus tôt). Les invasions multiples et variées, comme la normande, ne concernèrent que quelques dizaines de milliers d'hommes. L'apport exogène, Germains, Normands, Sarrasins, compta pour moins de 5% de la population. Dans L'identité de la France, Fernand Braudel (pour qui la France était constituée de “France différentes cousues ensemble”) évaluait à 90% l'héritage génétique gallo-romain.







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