mardi 22 novembre 2016

Le recrutement dans l’université française ou la danse du ventre


J’ai sous les yeux un document qui me laisse très perplexe. Il s’agit d’un appel à candidature pour la direction d’un laboratoire CNRS dans une université française. Je passe rapidement sur le fait que sa rédaction est émaillée des tics de langage politiquement correct absolument ridicules que l’on trouve maintenant dans la prose de l’université française : « Le/la nouveau/velle directeur/trice », « Le/La futur-e directeur/trice » (dans le second exemple, l'article “la” a droit à une majuscule). Il faut dire que depuis que le professeur David Garibay de l’université de Lyon est « un directrice d’UFR », le record dans l’ineptie est difficilement battable. Ce qui m’intrigue, ce sont les trois phrases suivantes :

« Si le nouveau directeur est déjà membre du laboratoire, aucun changement n’est à prévoir. S'il est personnel CNRS actuellement extérieur au laboratoire, il changera d'affectation. Dans tous les autres cas (personnel universitaire HDR en France, ou venant d'autres pays), il sera recruté sur un poste de Professeur des Universités dans sa discipline d'origine ».
Le recrutement dans l’université française ou la danse du ventre


J'esquisse une traduction. « Si le nouveau directeur est déjà membre du laboratoire ». Cette proposition n’est pas claire. Membre  en tant que chercheur ? Chercheur et enseignant ? Mais alors, avec quel statut d’enseignant ? Professeur, maître de conférences ? Maître de conférences habilité à diriger des recherches ? La proposition « aucun changement n’est à prévoir » laisse entendre qu’un maître de conférences, habilité à diriger des recherches ou pas, conservera son statut de maître de conférences. On attend de pied ferme le brave type ou la brave typesse qui va diriger une équipe de 101 personnes pour les clopinettes d’un salaire de MCF.

La phrase « S'il est personnel CNRS actuellement extérieur au laboratoire, il changera d'affectation » est claire, a priori. Un directeur de recherches CNRS, en poste, par exemple, à l’université de Pétaouchnok, conservera son statut de directeur de recherches S'il est personnel CNRS actuellement extérieur au laboratoire, il changera d'affectation (l’indice est identique à celui des professeurs d’université) et exercera désormais dans le laboratoire et l’université en quête d’un directeur.

La danse du ventre entre en jeu dans la phrase suivante : « Dans tous les autres cas (personnel universitaire HDR en France, ou venant d'autres pays), il sera recruté sur un poste de Professeur des Universités dans sa discipline d'origine ». En d’autres termes, si le candidat est maître de conférences habilité à diriger des recherches et qu’il provient d’une autre université, il touchera un gros susucre sous la forme du statut de professeur. Cette université est donc prête à accorder à un “étranger”, et même à un étranger sans guillemets ce qu’elle refusera à l’un des siens.

Par delà cette injustice – les lois Pécresse et Fioraso permettent toutes les injustices, toutes les opacités, tous les dénis de démocratie – cette procédure de recrutement reflète la grande misère de l’université française. On ne se bouscule plus aux portillon des charges prestigieuses parce qu’elles ne sont pas rétribuées au niveau de celles des autres pays équivalents au nôtre (on se souvient qu’il en va de même pour les instituteurs) et parce qu’elles impliquent un travail harrassant.

L’université dont je parle s’est engouffrée dans cette grande misère, en utilisant lâchement un système inique.

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