jeudi 5 janvier 2017

Le fascisme de Mussolini.

 Présentation de Gérard Mordillat. Editions Demopolis, Domont 2016.

Gérard Mordillat a eu la bonne idée de reprendre un texte fondateur de Mussolini paru en français en 1933 grâce aux bons soins des éditions Denoël. Il met ce document en perspective dans le contexte de la montée du fascisme en France et en Europe et propose une analyse assez novatrice du « retour du fascisme dans la France contemporaine ». Il a effectué ce travail avec la collaboration d’Hélène Marchal, qui n’est, bizarrement, même pas mentionnée sur le quatrième de couverture. S’agit-il de la jeune directrice des éditions Séramis ? S’agit-il de la coautrice et coréalisatrice du très joli petit film De riz ou d’Arménie ? Sagit-il de l’Hélène Marchal bien connue dans son village et de ses camarades d’école communale ? Mystère et boule de gomme.

Petite piqûre de rappel à propos de l’éditeur Robert Denoël. Il publia Artaud, Aragon, Genet, mais aussi Céline (Voyage au bout de la nuit), puis Rebatet, Brasillach, Mussolini, Hitler. Durant la guerre, il fit entrer du capital allemand dans sa maison d’édition. Il mourut  assassiné à Paris le 2 décembre 1945 en sortant de sa voiture. Des documents compromettant tous les éditeurs collaborationnistes français (Grasset, Gallimard, Colin) et des lingots d’or avaient disparu de son véhicule.


Dans la préface au texte de Mussolini, Mordillat et Marchal citent Amédée Dunois, dans Le Populaire en 1943 : « Le fascisme est comme la guerre et comme le chômage : l’enfant maudit de la concurrence et du profit, c’est-à-dire du régime capitaliste ». Pour eux, le fascisme est « une forme particulière de nationalisme » mais qui, contrairement au libéralisme, exalte le rôle central de l’Etat. Par ailleurs, le fascisme, qui affiche un programme social, se prétend ni de droite ni de gauche, « revendique une posture prétendument anti-système, […] sans remettre en cause l’ordre social ni sa hiérarchie au sommet de laquelle domine le chef ».

Ces dernières années, observent les auteurs, le Front National a opéré une mutation importante : celui de Jean Marie Le Pen, hériter de Pierre Poujade, se voulait nationaliste, antiétatiste et syndicalophobe. Celui de sa fille (et de Philippot, gaulliste et ancien chevènementiste) « reconnaît une place centrale à l’Etat » et adhère toujours au slogan « ni droite, ni gauche ! ».

Journaliste éminent et influent, issu d’une famille proche de l’anarchisme,  très influencé par Bakounine et Blanqui, Mussolini fut d’abord pacifiste et socialiste. En tant que socialiste, il voulait que le prolétariat se dote d’une élite révolutionnaire qui parlerait en son nom : il se méfiait du peuple ramolli par l’alcool, « le bordel et le sport ».

Le fascisme de Mussolini est une réaction au « positivisme matérialiste et dégénéré du XIXe siècle ». Pour le futur duce, « le socialisme immobilise le mouvement historique dans la lutte des classes et ignore l’unité de l’Etat qui fond les classes en une seule réalité économique et morale ». « Ce n’est pas la nation qui crée l’Etat », ajoute Mussolini », c’est l’inverse car l’Etat « donne au peuple une volonté et par conséquent une existence effective ».


Mordillat et Marchal voient dans le FN de Marine Le Pen » un retour du fascisme de Mussolini, une sorte de « postfascisme ou de néofascisme ». Ils proposent le concept de bourgeoisie « franco-française », une classe moyenne frappée de plein fouet par la suraccumulation du capital en 2008. Ceux dont la médiacratie se fait prioritairement l’expression sont cette nouvelle « classe moyenne » qui « achète, produit et vend des marchandises à l’échelle locale, régionale ou nationale », dans le cadre d’une activité franco-française. La « crise » mondiale qui n’en finit pas oppose les intérêts de cette classe qui n’hésite pas à délocaliser à ceux de la bourgeoisie internationalisée. Le discours dominant impute la précarité et le chômage non pas aux patrons mais à la concurrence des salariés et des patrons étrangers. Ce qui fait le terreau du nouveau Front National, c’est « la peur panique du déclassement social », plus encore que la menace de l’islam, du terrorisme, des migrants etc. La bourgeoisie franco-française ne remet pas en cause la logique du mode de production capitaliste. En revanche, elle sait fort bien trouver des boucs-émissaires : « les riches, les étrangers, les migrants, le dumping social et fiscal, les 35 heures, les RTT ».

Contrairement au discours de la médiacratie, le nouveau FN n’est pas populiste, et encore moins populaire : il exprime les intérêts de cette bourgeoisie franco-française déclassée (patrons de PME, commerçants, professions libérales – à l'image de l'avocat anciennement rocardien Gilbert Collard retrouvant les racines maurassiennes de sa famille). Le FN lui offre une « idéologie de rechange », des pratiques de substitution comme le dérisoire « Produisons français ». Cette confusion finit par toucher des pans entiers de la classe ouvrière historique, d’où des ralliements publics au FN de militants cégétistes ou FO, sans parler de nombreux votes dans le secret de l’isoloir. Le respect des Droits de l’homme devient une tare (on a oublié depuis longtemps que ces droits étaient aussi ceux du citoyen).

On veut des chefs.

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