dimanche 18 février 2018

La Cinq ment par omission (très souvent)




Vendredi 16 février, l’émission “ C dans l’air ” de La 5 proposait une réflexion sur l’avenir de la SNCF, en d’autres termes sa privatisation, l’ouverture au marché européen, la fin des « privilèges » des cheminots et de leur statut, du merveilleux grain à moudre pour les économistes de droite et d’extrême droite que l’émission invite régulièrement. Les débats (sic) étaient animés par Bruce Toussaint qui, parce qu’il est très pris sur d’autres antennes, a peu de temps pour préparer ses dossiers et donc choisit la posture du naïf. Seulement, Toussaint – et sa consœur Caroline Roux naturellement – donneraient à l'extrême droite au service du patronat le Bon Dieu sans confession.


Parmi les invités, un économiste qui a son rond de serviette dans l’émission : Bernard Vivier. Toussaint le présente comme responsable de l’Institut Supérieur du Travail. Ce faisant, il commet un énorme mensonge par omission, une authentique crapulerie. « Institut Supérieur du Travail », ça en jette. Ça fait presque officiel. On se dit que ça a un rapport avec l’enseignement supérieur, même si on n’a jamais vu d’« Institut Inférieur du Travail ». Ça résonne de manière au moins aussi glorieuse que la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques d’Agnès Verdier-Molinié.


Alors de quoi cet institut est-il le nom ? Il fut fondé en 1969 par Claude Harmel, mort à 95 ans en 2011, proche de Marcel Déat et de Georges Albertini dans sa jeunesse, et d’Alain Madelin, de Vivier, et d’Hervé Novelli dans sa vieillesse. Arrêté à la Libération, il est emprisonné à Fresnes, révoqué de l'enseignement, condamné en mai 1947 à quatre années de prison et à la dégradation nationale à vie. Il est libéré en novembre 1947 et amnistié en 1951.


 Sa vie durant, son obsession majeure aura été la mainmise du Parti Communiste sur la CGT, tout particulièrement après 1968, suite à la reconnaissance des sections syndicales dans les entreprises. Son institut va donc se consacrer à la formation des cadres d’entreprise dans la perspective de la lutte antisyndicale.


Bernard Vivier, ainsi que son frère Henri, furent nourris à ce lait. Dès 1978, âgé de 23 ans, il est proche du Front National, sans en être membre. Profondément chrétien, il est inspiré par l’Opus Dei et ne cache pas son effroi devant la libération des femmes et la révolution sexuelle après 1968. Bernard Vivier entre à la CFTC comme chargé d’études puis travaille pour les Notes de conjoncture sociale, éditées par le Centre d’observation sociale de la Fédération économique européenne (FEE). Ce Centre d’observation sociale se présente comme « un instrument de travail au service des entreprises créé et administré par des dirigeants d’entreprise ». Vivier a donc un pied dans le syndicalisme ouvrier et l’autre dans le syndicalisme patronal. De 1987 à 1991, il dirige le syndicat CFTC des journalistes ; de 2002 à 2008, il est vice-président de la Confédération chrétienne. L’entrisme qu’il pourfend chez les communiste ne lui pose pas de problème en tant militant syndicaliste chrétien. Il collabore à Radio Courtoisie, qui rassemble toute l’extrême droite républicaine et royaliste française et à la Revue universelle, organe maurassien d’Action Française.


De 1997 à 2010, il est membre du Conseil économique et social. Sa notoriété médiatique s’envole : il a participé, depuis vingt ans, à des centaines d’émissions. Il muscle la pensée économique de Christine Boutin et de son Parti Chrétien Démocrate. Il défend la cause de Denis Gauthier Sauvagnac lors du procès de l’UIMM (accusée d’avoir acheté des syndicalistes pour « fluidifier les relations sociales »).

Un vrai scientifique dégagé de toute contrainte idéologique, comme Toussaint et Roux les affectionnent.




La Cinq ment par omission (très souvent)

PS : Vivier a dû se réjouir d’un amendement surprise voté par les sénateurs et les députés le 15 février. Il permet à un employeur d’imposer à un salarié de passer en forfait jour, par delà la réglementation sur le temps du travail. S’y opposer, comme l’explique Mediapart, vaudra licenciement : « Le forfait jour, régime dans lequel le temps de travail est compté en jours par an plutôt qu’en heures par semaine, permet de faire sauter la borne des 35, 37 ou 39 heures hebdomadaires. Le salarié cadre, ou tout employé bénéficiant d’une « large autonomie », peut ainsi travailler, sans référence horaire, jusqu’à onze heures quotidiennement, en échange de contreparties sur le salaire ou les congés, plus ou moins bien négociées dans le cadre d’un accord collectif. Ce régime, totalement dérogatoire, était jusqu’ici basé sur le volontariat. Le salarié pouvait donc individuellement s’y opposer. Par quatre fois, le Comité européen des droits sociaux a d’ailleurs condamné la France pour l’utilisation d’un tel régime, unique dans l’UE. »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire