vendredi 12 août 2016

Villefranche-en-Beaujolais et Le Mans-en-Rillettes

Une des crétineries de ce XXIe siècle de tous les dangers et de toutes les folies est le double concept de visibilité et lisibilité. Noyé dans un déferlement continuel d’informations de toute nature (qui tuent l’information, comme chacun le sait), les individus, les choses, les concepts doivent à tout prix être visibles, puis lisibles. Plus prosaïquement, il lui faut être repéré et compris par les Zuniens et, désormais, les Chinois. Il lui faut donc faire à la fois simple, folklorique, et international (c’est-à-dire Ricain, mâtiné de Chinois). Interdiction d’être sui generis, authentique, soi-même. Il faut partir du principe que nos qualités, nos manques, ne nous feront plus jamais repérer. Que l’on soit génial ou débile, beau ou laid, original ou banal, c’est à nous d’attirer l’attention de l’autre par des stratagèmes où la forme compte beaucoup plus que le fond.

Les universités françaises s’y sont mises. Voir, par exemple, ma note de blog sur l’université d’Albi. Les régions (ne me parlez plus du Nord mais des Hauts de France, ce qui fait une belle jambe aux chômeurs et aux précarisés chtis), et les villes sont également de la partie.


Prenons le cas de Châlons-sur-Marne, qui est officiellement devenue Châlons-en-Champagne. C’est ainsi que la ville se nommait au Moyen Âge. C’est que « champagne » est un concept de géographie qui signifie tout bêtement plaine crayeuse. On parle ainsi de la champagne de Saintonge. En ce temps-là, ni les Chinois ni les prolos français ne fêtaient leurs anniversaires avec la désormais mondialement connue boisson à bulles (nullement inventée par un Champenois, vlan dans les gencives !). Aux XVIIIe et XIXe siècle, Châlons se dénomma à la fois « sur-Marne » et « en-Champagne ». Vers les années 1980, commerce et image obligeant, les habitants et leurs élus firent campagne pour que la ville retrouve son nom médiéval, ce qui fut fait officiellement en 1998.

D’autres villes de France se sont auto-rebaptisées de manière officieuse. C’est le cas d’Auch qui fait tout pour se faire appeler « Auch en Gascogne » (il est vrai que d’Artagnan est né à quelques encablures).





Toujours dans le Gers, c’est aussi le cas – qui me fait rire sous cape – de Condom. La capitale mondiale du préservatif hésite entre « Condom-en-Armagnac » et Condom-sur-Baïse. Je choisirais sans hésitation la seconde solution en enlevant le tréma du i.





Plus sérieusement, Villefranche-sur-Saône tente d’imposer « Villefranche-en-Beaujolais. Afin que ce vin, qui en vaut d’autres (mais sans plus) coule rapidement à flots dans les rues de Nankin.

Il ne faut pas en rester là. Je propose « Vire-en-Andouille », « Cambrai-en-Bêtises », « Le Mans-en-Rillettes » (au fait, on ne devrait pas dire « Je vais au Mans » mais «Je vais à Le Mans », « le » n’étant pas l’article défini mais la déformation de « ce » au début de « Celmans », nom de la ville au VIIIe siècle). Allez, on s'entraîne : “Les 24 heures de Le Mans ”. Je suggère également « Caen-en-Tripes » et « Dunkerque-en-Moules Frites ».


PS qui a un peu à voir : Il y a quelques semaines, je passe une nuit dans un hôtel Campanile des Hauts de France. Le lendemain, je constate que ma voiture est flanquée d'un superbe autocar bourré de touristes chinois. Classes moyennes, âge moyen. Je demande au réceptionniste ce que font tous ces Chinois dans la ville bien peu touristique où nous sommes. « Ils sont ici chez eux, me dit l'employé : la société Campanile appartient désormais en grande partie aux Chinois. » Je me suis dit que ces braves gens étaient des proies potentielles idéales pour détrousseurs de ZAD et de ZI. Le 2 août 2016, le Campanile de Gonesse en a fait la triste expérience.

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